HOMMAGE DU COLLECTIF BOLIVIE PARIS A GUILLERMO CONTRERAS
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- Catégorie : Bolivia en Francia
- Publication : vendredi 3 mars 2017 15:00
Roberto FERNANDEZ ERQUICIA (1) Carlos ARGUEDAS (2) et José GUERRA (3)
Très chers amis,
En cet hommage pour notre frère : Guillermo Contreras Ramos, plus connu entre nous sous le nom de “Don Guichi”, au nom du Collectif Bolivien, je désirerais me référer au parcours artistique et politique de celui qui a pris comme instrument de lutte, l’art qui détruit les murs et fait tomber les dictateurs, trajectoire qu’il a suivie durant toute sa vie. Nous espérons qu’il continuera avec plus de force qu’aucun de nous, cher frère, pour défendre et diffuser la sagesse aymara.
Depuis son village natal Pallay Q’ullu, appartenant à l’Ayllu Santiago de Machaka, il est passé par La Paz, Lima, Quito, etc… jusqu’à venir à Paris ; Don Guichi est un réel ambassadeur de la Nation Aymara.
La scène historique-sociale dans laquelle Guillermo s’est fait reconnaître par ses frères, se situe entre les années 1960-1980, époque où la tragédie bolivienne, une fois de plus, a subi une série de dictatures militaires constituées par de minuscules groupes de pouvoirs qui se sont réparti, comme c’est maintenant, les richesses du pays : Dotations de terres gratuites des milliers hectares dans l’orient et le Chaco bolivien, massacres de mineurs, d’étudiants, de paysans (Tolata et Epizana). C’est dire tout le territoire ancestral de 37 nations originaires que s’est approprié une minorité hispanique raciste.
Dans les étudiants et intellectuels Aymaras qui luttaient contre cet ordre impérialiste, était Guillermo qui manifesta sans peur son opposition à cette manière de piller le pays en privant les nations d’origine.
A part son combat politique, Guillermo était reconnu pour ses qualités de musicien, compositeur et investigateur de centaines de danses, instruments et chansons en relation avec la vision globale de l’Homme Andin avec la nature. C’est lui qui nous a enseigné les rituels musicaux en relation avec la semence, la récolte, la reproduction animale, les gelées. C’est décrire la musique non comme un art mais comme une part fondamentale d’une totalité.
A cette époque, Guillermo, malgré sa grande connaissance et intérêt pour la musique, n’a jamais reçu aucun type d’aide. En persistant, il a étudié le violon au Conservatoire National de Musique de La Paz et la harpe à l’Ecole Nationale de Folklore.
En cet aspect, je désire seulement remarquer qu’avec lui, se fermera une page « non officielle » de l’histoire de la musique indienne des Andes boliviennes. C’est le dernier interprète Aymara de harpe andine. Cet instrument, colonial certainement comme le violon, que l’artiste réinterprète et reconstitue depuis l’intérieur de sa culture, incluant et transmettant à travers lui, en lettres de noblesse, le sentiment andin.
Actuellement, en Bolivie, il n’y a plus de harpistes indigènes, si bien qu’on ne trouve pas de professeur de harpe qui domine cet instrument. Il existe des graphiques de l’exécution de ces instruments à cordes, depuis la fin du 19è siècle à La Paz.
Quand, dans les années 60, le jeune Guillermo est venu à La Paz, il a collaboré avec ses frères musiciens Aymaras qui venaient à la Cité. Il s’est fait connaître à travers la fameuse Peňa “Naira” comme “Le Cacique des Andes”. Il s’est distingué en dominant de nombreux instruments musicaux : tarkas, julu-julus, diverses variétés de pinquillos, sikus, jula-julas, les trompettes des Achachi Kumus de Italaque et beaucoup d’instruments et danses qu’il a appris depuis son jeune âge dans son lieu d’origine.
A cette époque, l’artiste passait par les « filtres » artistiques des radios qui imposaient leurs critères esthétiques aux musiciens héritiers d’une grande tradition.
Il participa à la danse au théâtre ; il forme aussi un groupe de fanfare appelé « Juventud Contreras ».
Nous pouvons brièvement citer les groupes musicaux et disques de Guillermo comme les « Embassadeurs du Tawantinsuyo », « les romanciers des Andes », «Vocero Huanca et le groupe de danse « Tiwanaku Andino », qui ont réalisé des disques et représentations pour revendiquer l’identité de la Nation Aymara. Il y avait, entre autre, el « gringo » Favre qui a découvert les qualités artistiques de Guillermo.
Il a réalisé plusieurs disques, participé à des séminaires scientifiques et a obtenu des prix culturels de divers milieux de communication.
Ce que je viens de dire pourrait être une première ou seconde étape de Guillermo. A La Paz, il a assumé une vision politique sur les nations opprimées, le racisme et l’intolérance de l’Etat bolivien. Malgré tout, il a créé, aux côtés de ses frères aymaras, la première Association Interprovinciale de groupes de musiques Autochtones du département de La Paz, en 1976, dont l’objectif était de recueillir la musique et danse traditionnelle de l’Altiplano bolivien. Pour eux, il a participé à de nombreuses expéditions scientifiques à la campagne pour enregistrer, photographier et récupérer des informations sur des centaines de danses et genres musicaux des Andes. Il a fondé plusieurs musées d’instruments folkloriques et de vêtements aujourd’hui disparus.
Il a organisé des festivals de musique traditionnelle où l’on pouvait observer la grande qualité d’interprétation musicale liée aux rituels climatologiques du calendrier agricole aymara.
Plus tard, il a participé à l’équipe d’investigations et séminaires scientifiques du Conservatoire de Musique de Berlin, sous la direction de Hélen Hickmann et également participation à élaborer des fiches techniques de chaque danse, époque d’exécution, instruments, vêtements, etc…pour l’Association Interprète de Musique Autochtone du département de La Paz.
Grâce à son application, sa ténacité au travail d’investigation, il fut boursier en 1978 par l’Institut Interaméricain d’Ethnomusicologie et Folklore dépendant de la OEA et avec celle ci, a pu aller à Caracas au Vénezuela.
De retour en Bolivie, il continue à travailler exclusivement ad-honorem pour faire un recueil de la musique traditionnelle aymara. En chaque communauté que nous avons visitée, c’était les Jilakatas et la Mama T’allas qui ont autorisés les musiciens à dévoiler leur histoire et secrets.
Des milliers de fiches sur l’ethnomusicologie seront constituées par Guillermo et des investigateurs de toutes les nationalités pour faire l’inventaire de ce patrimoine. Hélas, une fois de plus, l’ignorance détruisit tout. Ces généreuses sources d’information qui ont coûté tant de sacrifices ont été saccagées et ont disparu le fatidique 17 juillet 1980, quand un groupe de délinquants s’est approprié le pouvoir en Bolivie.
Les semaines d’avant, Guillermo a été élu à l’unanimité à un congrès, président de l’Association Interdépartementale de groupes de Musiques Autochtones du département de La Paz. Certains de ses membres ont enregistré un disque appelé « Korihuayra » groupe musical appelle « Estudiantina » de guitares , mandolines et flutes, dirigé par Guillermo.
Comme beaucoup d’autres de ses frères, avec une responsabilité historique - politique avec les nations opprimées, cela lui a valu la persécution, les menaces, le saccage des archives musicales que Guillermo a tant aidé a réaliser. Il a subi tout ce que peut subir un révolutionnaire. Mais, comme il est Aymara, jusqu’à maintenant, personne ne l’a reconnu. Peut-être ces documents de valeur se trouvent à la Section II de l’Intelligencia de l’armée bolivienne, lieu de terreur où beaucoup de nous ont été conduits et outragés pour le délit d’investigation de la musique traditionelle aymara.
Les investigateurs amoureux de la musique andine et sa relation avec la climatologie, l’économie et toute la cosmovision aymara, doivent beaucoup à Guillermo Contreras Ramos.
Postérieurement, en 1982, sa vie étant en péril, la main généreuse des jilatas Arguédas du légendaire groupe Bolivia Manta, ont aidé l’intellectuel Guillermo à venir en Europe où il s’est exilé.
Nombreux furent le concerts et disques de « Don Guichi » avec Bolivia Manta ou comme soliste de la harpe andine. Comme souvenir on peut signaler Nanda Mananchi ou Pak’cha, entre autres. Simultanément, il se distinguait comme harpiste et participait à de nombreux festivals, séminaires et comme professeur de ce noble instrument.
A Paris, il s’est distingué pour ses connaissances, sa modestie et l’amour de ses frères de tous les pays opprimés.
Il était un Mari aimant et père exemplaire, il se montra devant toute la communauté Latino-Américaine, comme un facteur de rassemblement et bienveillance des activités socio-culturelles de notre communauté. Ses conseils étaient toujours précieux dans tout démarrage d’activité.
Ses multiples connaissances des rituels et cérémonies andines, lui ont valu le titre de « Yatiri » en exécutant avec virtuosité des rituels de protection et bénédiction des maisons, locaux, bureaux, et présentations culturelles. Des gents de toute strate social, avant d’entreprendre toute nouvelle démarche, venait voir Don Guichi pour lui demander sa bénédiction.
En parallèle, avec le concours des musiciens boliviens, ainsi que des nombreux pays de l’Amérique-latine, Il à fondée la première fanfare bolivienne à Paris.
Comme était d'attendre, sa participation aux manifestations culturels était crucial : Défilées et présentations des groupes de danse bolivienne, Carnaval de Paris, Fête de la musique, présentations culturelles dans des salles de prestige : UNESCO, Maison d’Amérique Latine, etc.
Aucune activité culturelle ne pouvait être entièrement réussi, sans le concours de « Don Guichi et sa Banda de Bolivia »
Tout cela lui a donnée une place tellement importante au sein de la communauté Latino-Américaine à Paris, que le 1er juin 2015, lors de la journée de l’Amérique-Latine et des Caraïbes, Guillermo Contreras est honoré par la République Française avec la Médaille du Sénat au titre de sa contribution éminente aux relations entre la Bolivie et la France.
C’est pour cela, Guillermo, cher frère de l’âme, compagnon d’investigations scientifiques, de musique et de bistrot, que tous tes frères, tous les professionnels qui ont tant appris de toi, désiraient te rendre cet hommage pour que tu aies toujours présent à l’esprit que nous sommes des mille et des mille qui t’admirons et t’estimons réellement. Tu es fort comme notre culture millénaire, comme une montagne Jilata Guichi.
Pour conclure, permet moi de te remercier au nom du Collectif Bolivien ainsi que Pedro Condori du groupe QHANTATI et les nombreuses associations qui ont participé à cette journée.
Force Jilata Guillermo, les Dieux Andins te protègent et ne t’abandonneront jamais. Et il y aura un jour, quand le soleil sortira des ténèbres pour toujours, nos nations opprimées seront libres ! Courage Jilata Guillermo.
Il existe une version mythique sur les frère Machaka. On raconte qu’ils étaient trois frères, Saint Jacques, Jésus et Andres. Le Père s’appelait Francisco Choque. Avec l’arrivée des espagnols, chaque frère héritait de ce que sont les actuels territoires de Santiago de Machaka, actuelle capitale de la Province José Manuel Pando et les villages San Andres et Jésus qui appartiennent à la Province Ingavi du Département de La Paz (Communication personnelle du Docteur bolivien Esteban Ticona Alejo)
(1) Sociologue/ Ethnologue et Ethnomusicologue bolivien
Université de Sciences Humaines Strasbourg, UMSA La Paz, INIDEF Caracas, Venezuela.
(2) Musicien et compositeur bolivien.. Directeur de Bolivia Manta et Président du Collectif Bolivia à Paris.
(3) Développeur et infographiste multimédia bolivien
GUILLERMO CONTRERAS : BIOGRAPHIE
Issu d'une famille paysanne, né en Bolivie dans la province de Santiago de Machaca département de La Paz, Guillermo CONTRERAS apprend dès 6 ans à jouer les instruments originaires de sa région.
Ce qui suit constitue seulement un extrait du CV de Don Guichi :
- 1962 Quand il émigre à La Paz à l'âge de 20 ans il maîtrise déjà plusieurs instruments et se fait connaître en interprétant et en diffusant la musique de sa région dans différents endroits populaires : radios, théâtres ...
Il se fait connaître à la Pena Nayara sous le pseudonyme « El Gran Kasique de los Andes ».
- 1964 Création du groupe « EMBAJADORES DE TAWANTINSUYU » par G. CONTRERAS.
Concerts à la Pena Nayra de La Paz.
Tournée en Bolivie.
- 1966 Tournée avec le groupe de danse « TIWANAKU ANDINO » en Bolivie.
- 1967 Création du groupe « LOS ROMANCEROS DE LOS ANDES».
33 Tours « AMANECER ANDINO ».
- 1969 1er prix de la Radio Nationale Bolivie.
33 Tours « BOCERO HUANCA » avec l'orchestre CORAZON HUANCA.
- 1971 Conservatoire National de Musique de La Paz : théorie, solfège, harmonie et instrumentation.
Discipline : violon.
Intégration à l'Orchestre Symphonique des Jeunes de La Paz.
33 Tours« JUVENIL CONTRERAS» Banda de Musica (fanfare).
- 1975 33 Tours « AGUACERITO CORDILLERANO » avec LOS ROMANCEROS DE LOS ANDES .
Formation de direction dans l'atelier de musique avec le maître de Musique Ruben VARTANAN du Conservatoire National de Moscou. *
- 1976 Fondation de la Première Association Interprovinciale des Groupes de Musique Autochtone de La Paz, reconnue par I'IBC (Institut bolivien de la Culture) pour la défense la sauvegarde et la diffusion de la musique autochtone.
Sous la direction du Docteur en Ethnomusicologie, Roberto FERNANDES, (Département d'ethnomusicologie et de folklore de I'IBC) travaux de recherche et de documentation des musiques traditionnelles andines de l'altiplano bolivien par G. CONTRERAS et l'Association Interprovinciale.
Fondation de musées d'ethnographie dans différentes provinces du département de La Paz et rencontres de festivals autochtones.
Formation en ethnomusicologie sous la direction de Madame J. Hélène HIKMANN, professeur au Conservatoire National de Musique et Ethnomusicologie de Berlin (RFA).*
Rentrée surprenante , soliste harpiste, sous le pseudonyme « EL PONCHO ROJO Y SU HARPA AYMARA »
* Par conventions bilatérales d'Etat à Etat en coopération, certains ateliers de formation sont installés pour certaines periodes dans le pays beneficiaire. - 1978 Boursier de I'IBC pour terminer ses études supérieures d'ethnomusicologie à l'Institut
Interaméricain d'Ethnomusicologie et Folklore à Caracas (Venezuela) sous la direction du
Professeur Isabelle ARETZ.
- 1980 Nomination comme secrétaire exécutif de la Nouvelle Fédération Départementale des
Groupes de Musique Autochtone de La Paz.
33 Tours« KORIHUAYRA >> avec ESTUDIANTINA (groupe musical de la fédération)
dirigé par G. CONTRERAS.
- 1981 Persécuté par le gouvernement dictatorial du Colonel L. GARCIA MEZA
- 1982 Refuge et exil en France avec l'aide du groupe BOLIVIA MANTA.
Concerts au Petit Forum des Halles, Paris.
33 Tours « CHURAY, CHURAY » BOLIVIA MANTA RENCONTRE NANDA MANACHI
- 1983 Tournée en Equateur avec NANDA MANACHI et BOLIVIA MANTA
33 Tours KOLLAMARKA Volume 2 (Bolivie).
- 1984 Tournée en Bolivie et en Guyane française avec BOLIVIA MANTA.
- 1985 33 Tours "PAK'CHA" avec BOLIVIA MANTA (récompensé en 1988 par le Prix de I'Acadé
mie du Disque Laser d'Or).
Tournée en Italie et en Suisse Festival International Erlangen (Allemagne).
- 1986 Festival de Berlin (Allemagne) et du Cinéma des Minorités Nationales Douarnenez
(France) avec BOLIVIA MANTA.
- 1987 Rencontre Internationale autour des Harpes Populaires à Quimper : Solo Harpe.
Concert au Théâtre d'Annecy avec BOLIVIA MANTA et ALAIN CARRE (prix de l'Académie Charles Cros).
33 tours "ANATA" avec BOLIVIA MANTA.
- 1989 Festivals internationaux de Jaca (Espagne), Oléron et Fressigny (France) avec le groupe Q'ANTATI.
CD "TINKUNA" avec BOLIVIA MANTA, volumes 1 et 2.
- 1990 Tournée en Guyane avec BOLIVIA MANTA.
Concert à la maison de l'UNESCO à Paris avec KOLLA AYMARA.
- 1991 CD "CORDILLERA DE LOS ANDES" avec KOLLA AYMARA en Bolivie.
- 1993 Festival de Musiques et de Danses, "Fête du Soleil", Théâtre de I'Epée de Bois, Paris,
Solo Harpe.
- 1995 Festival De Musique Folklorique De Calgary, (Canada). Ministère Canadien du Patrimoine.
Tournée au Canada avec RUNA MAYU CD "RUNA MAYU" Volume 4.
- 1996 Concert à l'UNESCO "L'artiste et la société" Présentation de la Musique Autochtone des Andes.
Concert à la Conférence de la Commission Juridique pour l'Auto-développement (CAPAJ) à Paris (Solo Harpe)
- 1997 Concert à l'UNESCO avec« VOIES UNIES DE L'UNESCO» avec L'orchestre de Chambre, Choeurs Et Instruments Autochtones des Andes lors de la 29ème session de la Conférence Générale de l'UNESCO.
- 1998 Professeur invité aux séminaires du festival de Harpe« La Harpe Aymara des Andes »
A Violau en Allemagne.
- 1999 Concert au Centre Culturel G. Pompidou à Vincennes« Journée Internationale de Solidarité
avec les Peuples Indiens des Amériques » organisé par NIT ASSINAN CSIA. (Solo Harpe).
- 2000 Concert au 3ème festival de la Mémoire des Peuples, théâtre de l'Hôtel de Ville du Havre, Festival placé sous le haut patronage de J. CHIRAC, organisé par le CAP (Association du Conservatoire Audiovisuel sur les Peuples).
- 2001 Concert au Centre Culturel du Havre Le Grand Volcan avec l'Orchestre d'Harmonie de la Ville du Havre.
Concert au théâtre de I'Epée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes : hommage à l'artiste péruvienne Delfina PAREDES. (Solo Harpe).
Concert à l'ONU à Genève au cours de la session des Droits de l'Homme : groupe de travail sur Les Peuples Indigènes et le Droit au Travail. (Solo Harpe).